Cest une rupture avec les usages. La tactique savérera-t-elle la bonne? Il est (beaucoup) trop tat pour le dire. Mais lhomme politique italien Franco Frattini persiste et signe. Oui, déclare-t-il au Soir, «il faut être transparent jai préféré dire que je suis candidat au poste de secrétaire général de l`Otan. Il faut le dire».
Ce nest pas la première fois. Dans un entretien au Soir (du 1er février 2013), celai qui fut vice-président de la Commission européenne et ministre des Affaires étrangères du gouvernement Berlusconi IV (2008-2011), déclarait déjà: «Ma candidature a été présentée par le Premier ministre Monti et le président Napolitano. Cest un honneur».
M. Frattini était à Bruxelles lundi dans le cadre de cette candidature officielle. Il sest entretenu avec le président du Conseil européen Van Rompuy, avec celai de la Commission Barroso, et le commissaire au Marché intérieur Barnier. Il a donné quelques interviews. Le dernier avatar des crises politiques italiennes sest greffé aux discussions. Mais son «projet» pour l`Otan était au coeur des entretiens.
«Pour le moment, il ny a toujours pas dautres candidatures», dit-il. Nest-ce pas risqué de «sortir du bois» le premier? «Etre transparent, cest le meilleur choix, surtout quil nest pas facile davoir une Italie unie derrière soi! », nous répond-il. Lappui à sa candidature assuré par Mario Monti a été réitéré par l`actuel chef du gouvernement, Enrico Letta, et par « toutes les forces politiques», souligne Frattini.
Le mandat de quatre ans de lactuel secrétaire général de lOtan, lex-Premier ministre danois Rasmussen, a été prolongé dun an, jusquau 31 juillet 2014. Il devrait cependant, apprend-on de bonnes sources, rester en poste quelques mois de plus, jusquaprès le sommet prévu à lautomne 2014 au Royaume-Uni. Le processus de succession – des consultations informelles entre Etats membres, qui testent des noms, jusquau consensus prend donc du retard. «C`est encore très nébuleux», résume une source diplomatique.
Entre-temps, Franco Frattini multiplie donc les rencontres, voyage beaucoup. Pour accumuler les soutiens. Les responsables européens sont approchés. Mais les partisans de Frattini soulignent aussi sa «grande proximité» avec Hillary Clinton, lorsquelle était secrétaire dEtat, et ses contacts fréquents avec le chef actuel de la diplomatie américaine, John Kerry. Le poste de secrétaire général de lOtan est traditionnellement dévolu à un Européen – mais rien ne peut se faire sans lappui de Washington, où Enrico Letta rencontre ce mois-ci Barack Obama.
Mais les jeux sont loin dêtre faits. Outre le choix américain, les Européens vont prendre en considération lensemble des grands postes à pourvoir lan prochain, à lUnion européenne notamment. La succession de Barroso est en jeu, entre autres. Lui même a été cité par « la rumeur », cet été, pour lOtan. «Aucune allusion à cela hier; il a plutôt manifesté son amitié, sa solidarité à légard de Frattini», dit un témoin de la rencontre de lundi.
La chancelière «Merkel a fait savoir quelle avait beaucoup apprécié quil ait quitté le parti de Berlusconi! C`est un soutien souligne son camp. M. Frattini avait rompu les amarres avec le Cavaliere, fin 2012, lorsque ce dernier avait «lâché» Mario Monti.
«Les Allemands soutiennent très fort Pieter De Crem», le vice-Premier ministre et ministre belge de la Défense, rétorque une source belge. Le gouvernement belge na pas pris position, à ce stade. Lintéressé, lui, aux antipodes de lItalien, refuse de sexprimer, privilégiant son travail au gouvernement. Pour certains observateurs, il serait «passé à autre chose». Une bonne source assure cependant que De Crem «serait disponible» et apparemment «sans opposants. Frattini est le premier dans la course mais ne sera certainement pas le dernier. Et les Etats Unis ne seront pas enthousiastes pour qui que ce soit qui a fait partie de l`entourage de Berlusconi.»
«Cette campagne va être importante et difficile», reconnaît Franco Frattini. Le candidat souligne cependant que, plus qu«une personnalité, on va choisir un projet. Il faut réfléchir à la vision politique pour le futur de lOtan».
La version Frattini? «Ce ne sera pas seulement une organisation militaire. L’Alliance contribuera aussi à la reconstruction des pays post-conflits. Comme en Afghanistan. Ou en Libye. Il faudra penser à l` Afrique du Nord, au Sahel, au Sahara, à la lotte contre la piraterie ».
Les Européens sont également au centre de lattention du candidat : «Avec la crise, il faut optimiser les ressources. Les Défenses européennes doivent se rapprocher. Je suis un partisan des Etats-Unis dEurope: je serai toujours en faveur de tout ce qui conduit à plus d`Europe. Je suis favorable à une coopération plus forte des Européens, qui ne soit pas au détriment des Etats-Unis et de la coopération euro-atlantique». La campagne bat son plein…
