• Home
  • Archivio
  • Europa
  • Le Monde: Frattini, ‘il faut assurer à l’OTAN un rôle de plus en plus “politique” et plus seulement militaire’

Interview

Le Monde: Frattini, ‘il faut assurer à l’OTAN un rôle de plus en plus “politique” et plus seulement militaire’

L`ex-commissaire européen italien poursuit sa campagne
 |  ,

Interview à Le Monde.fr
Propos recueillis par Philippe Ricard et Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen)

Ancien commissaire européen à la justice et aux affaires intérieures, l’Italien Franco Frattini a également été ministre des affaires étrangères dans son pays (2008-2011). En 2012, il rompait avec le berlusconisme, reprochant notamment à son parti, le Peuple de la liberté (PDL), sa dérive antieuropéenne. Dans un entretien au Monde, il indique aujourd’hui officiellement qu’il est candidat au poste de secrétaire général de l’OTAN, que le Danois Anders Fogh Rasmussen quittera le 1er août 2014.

Quelles sont les motivations de votre candidature?
Franco Frattini: Je suis le candidat de l’Italie, soutenu par le président, Giorgio Napolitano, l’ex-président du conseil Mario Monti et l’actuel, Enrico Letta. J’estime avoir quelques arguments pour briguer ce poste. Lorsque j’étais commissaire européen, j’étais notamment en charge des questions de sécurité. Cela m’a permis de comprendre comment il fallait optimiser la relation OTAN-UE dans le domaine de la défense, éviter les décisions non coordonnées et les duplications. Je suis par ailleurs issu d’un pays riverain de la Méditerranée, l’une des régions où le risque d’instabilité est le plus fort et dont je connais les problèmes réels.

La crise politique en Italie peut-elle nuire à votre candidature?
A l’OTAN, le choix est celui d’une personne et d’une vision, pas d’un pays ou d’une affiliation politique, même si les Etats soutiennent leur candidat. Je suis sûr qu’il y aura un gouvernement en Italie quand il faudra choisir le secrétaire général de l’OTAN. Ceci dit, une crise politique ouverte pourrait précipiter le pays dans une situation désastreuse, en particulier sur le plan budgétaire. J’espère que le bon sens va prévaloir, et que M. Letta parviendra, d’une façon ou d’une autre, à rester à son poste.

M. Letta engage la confiance de son gouvernement mercredi 2 octobre. Sera-t-il en mesure de rester au pouvoir avec le soutien d’anciens élus du PDL?
Il ne sera pas question d’accuser de trahison ceux qui voteront pour le maintien d’un gouvernement stable. Les ministres du PDL qui ont décidé de quitter le gouvernement ont dit qu’ils le faisaient par loyauté envers M. Berlusconi, mais ils ont indiqué qu’ils n’acceptaient pas d’être entre les mains d’extrémistes. En 1994, à sa création, Forza Italia était un parti libéral, modéré, proeuropéen, mais ce parti n’a plus rien à voir avec ses origines.

C‘est M. Berlusconi qui a trahi la formation qu’il a créée?
Il a été encouragé par ceux qui souhaitaient, dès la première minute, ne pas appuyer le gouvernement de M. Letta. Son entourage a agité la menace de la prison ou d’une confiscation de tous ses biens. Ces gens profitent d’une situation dramatique au plan humain pour servir leurs visées extrémistes. M. Berlusconi lui-même n’est pas un extrémiste. Je lui ai été loyal pendant plusieurs années en tant que ministre, mais dès que la ligne politique du parti n’a plus été acceptable, je l’ai quitté.

La succession à l’OTAN surviendra presque au même moment que l’attribution des postes à la tête des institutions européennes. Pourriez-vous pâtir de l’éventuelle candidature de Mario Monti à l’une de ces fonctions?
Ce sont deux choses différentes. Au sein de l’UE, les postes sont répartis en fonction de l’affiliation politique des candidats. Il faut donc être affilié à l’une d’elles, ce qui n’est pas le cas de Mario Monti. Les décisions sont prises sur une autre base à l’OTAN. Les Etats-Unis, le Canada, la Norvège, la Turquie, ne sont pas membres de l’Union, mais siègent à l’OTAN. On ne pourrait pas leur expliquer qu’un candidat non retenu en Europe soit proposé à l’OTAN…

Vous avez, vous, le soutien, évidemment indispensable, de Washington?
Nous en reparlerons plus tard, mais j’ai toujours entretenu d’excellentes relations avec les Etats-Unis. En particulier avec Hillary Clinton, lorsqu’elle était secrétaire d’Etat, puis avec John Kerry. M. Letta doit, par ailleurs, rencontrer le président Barack Obama à la mi-octobre.

Tous les Européens sont derrière vous?
Je ne peux dévoiler le contenu de discussions confidentielles mais je n’ai, en tout cas, reçu aucun message négatif.

L‘OTAN se pose aujourd’hui des questions sur sa véritable raison d’être alors que, partout en Europe, les budgets consacrés à la défense fondent. Quels sont vos remèdes?
Premièrement, il faut assurer à l’OTAN un rôle de plus en plus “politique”, et plus seulement militaire. Son expérience dans la gestion “post-crise”, notamment en Afghanistan, en Irak ou en Libye, doit être consolidée. La création d’un ministère de la défense, d’une agence de sécurité nationale ou d’un corps de police sont des faits majeurs qui font que le rôle de l’organisation n’est plus celui d’un acteur de guerre mais de paix, de stabilité, de prospérité.

Deuxièmement, il faut, dans le domaine des budgets, cesser de procéder à des coupes horizontales, assez faciles, pour poser de vrais choix politiques : on peut rationaliser dans le secteur des troupes de terrain, mais il faut investir dans la cyber-sécurité et la haute technologie. Et, bien sûr, poser des choix en coordination entre l’UE et l’OTAN. Les principes de mutualisation et de partage (pooling and sharing) ou la défense intelligente doivent être traduits en actes concrets. La réorientation des Etats-Unis vers le multilatéralisme et l’Asie obligera en fait les Européens à faire davantage.

La relation transatlantique est ternie par le scandale des écoutes de la NSA, l’Agence de sécurité nationale américaine. Cela va compliquer votre tâche?
Si les Etats-Unis ont des partenaires fiables, ils leurs parlent. Comme commissaire européen, j’ai négocié des dossiers difficiles en liaison avec le respect de la vie privée ou le terrorisme et j’ai reçu les explications nécessaires. Lors de mon mandat européen, on a aussi beaucoup évoqué les prisons secrètes de la CIA. Les enquêtes ont démontré qu’elles n’avaient pas existé.


© All rights reserved. Powered by Franco Frattini

Back to Top