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Interview

Quand la situation est tragique, l’Italie a la capacité de réagir

Alexander Wolkers pour ARTE Journal
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Pour l’ancien ministre italien des Affaires étrangères Franco Frattini l’une des priorités pour mettre fin à l’impasse est que les hommes politiques mettent enfin en oeuvre les mesures plusieurs fois promises aux électeurs et jamais honorées. Ce serait même, selon lui, l’un des principaux problèmes à l’origine de la colère qui s’est exprimée dans les urnes lors des élections législatives italiennes des 24 et 25 février. 

On avait l’impression que la crise de l’euro était sous contrôle. Est-ce-que les élections peuvent la relancer? 

Franco Frattini : Je crois que l’on ne peut pas la relancer. Il faut faire en sorte que l’on puisse ressortir en Italie de cette phase très difficile avec un gouvernement de stabilité. Et ca va être, et je dirais même ca doit être, la contribution italienne à la stabilité de l’euro. Sinon l’Italie aurait une coresponsabilité d’aggraver cette situation de crise. Et je crois que personne en Italie, même ceux qui ont voté pour Monsieur Grillo, ne veut avoir cette responsabilité d’être coresponsable de l’instabilité de la zone euro.

Comment interprétez-vous ces résultats? Qu’est-ce-que les électeurs italiens ont voulu dire à leurs hommes politiques et à l’Europe? 

Beaucoup d’Italiens se sont sentis trahis. Trahis par la politique, parce qu’on leur avait promis de réformer la loi pour les élections générales, on leur avait promis plusieurs fois de baisser de moitié le nombre de membres du Parlement italien, de baisser les coûts de la politique des politiciens et rien n’a été fait. Si vous prenez en compte ceux qui ont voté pour Monsieur Grillo, plus ceux qui ont fait le choix de l’abstention du vote on arrive à 50 %. Donc, la moitié des Italiens n’ont pas voté ou ils ont voté pour dire : “il faut changer, il faut faire la révolution”. Je crois que l’analyse politique nous amène à dire qu’il faut que les partis traditionnels s’engagent à mettre en œuvre immédiatement ce qui avait été promis. Sinon, on prend le risque que lors d’un prochain vote, dans six mois, huit mois, douze mois, ce sera la tragédie pour l’Italie.

Maintenant que la situation est bloquée qu’est-ce-que vous conseillez comme sortie de crise et que souhaitez-vous dans la formation du gouvernement? 

Heureusement, la solution de la crise est dans les mains du président de la République. Je crois que tout le monde fera confiance à Monsieur Napolitano qui aura la capacité de donner à l’Italie un gouvernement. Je ne sais pas qu’elles sont les possibilités pour les partis de faire plutôt des alliances. Mais si on s’engage, si on est d’accord, je crois que même les élus de Monsieur Grillo pourraient être d’accord avec la mise en œuvre de ce que je viens de dire dans les cent premiers jours du gouvernement. Peu importe lequel. Celui qui sera Premier ministre devra s’engager dès les premières semaines à réduire le nombre de Parlementaires, mettre en œuvre des réformes, abolir des provinces qui coûtent beaucoup d’argent, mettre fin au financement des partis politiques. Toutes ces promesses ont été faites plusieurs fois. Il s’agit là des principaux problèmes qui font réagir les Italiens de façon furieuse, car ils sont furieux. Ils ont dû faire des sacrifices en raison de la crise et en même temps la politique et les hommes politiques ont décidé de continuer comme par le passé et ca, ca n’est pas possible.

Vous êtes un ancien membre de la commission européenne, vous connaissez bien les rouages, comment les partenaires européens devraient réagir, qu’est-ce qu’ils devraient faire pour ne pas aggraver la situation ? Est-ce qu’ils devraient garder le silence ou plutôt exprimer leur point de vue? 

Je crois que nos partenaires dans l’Union européenne devraient attendre, faire confiance à Monsieur Napolitano qui aura la capacité de proposer une très bonne solution pour l’Italie. Et je pense que nous sommes tous dans le même bateau. Ce n’est pas le problème de l’Italie, mais c’est le problème de tous les Européens. Je crois que nos partenaires devraient attendre, dans le respect, éviter les déclarations de Monsieur Steinbruck (Peer Steinbrück, candidat du Parti social-démocrate (SPD) au poste de la chancellerie allemande lors des élections de septembre, a qualifié le 27.02.2013 Silvio Berlusconi et Beppe Grillo de “clowns”) qui ont franchement surpris, voir fâchées les Italiens, éviter de prendre une position d’interférence dans cette phase très sensible. Il faut qu’ils sachent que quand la situation est tragique, l’Italie a la capacité de réagir. C’est une tradition en Italie.

Pensez-vous que la politique d’austérité préconisée par Angela Merkel est la seule sortie de crise ou pensez-vous qu’elle devrait être un peu assouplie? 

Elle est un pilier pour sortir de la crise, mais l’autre pilier est le développement. Et je crois que là, la Commission européenne est en train de faire un très bon travail, le Président Barroso, les commissaires qui sont en charge de la reprise économique, au renforcement du marché intérieur, je pense à Michel Barnier et d’autres qui sont en train de faire un bon travail pour faire comprendre qu’on ne peut par exemple pas réduire les ambitions du budget européen si l’on veut avoir une Europe beaucoup plus intégrée pas seulement économiquement, mais aussi politiquement. Pour avoir une Europe plus ambitieuse on ne peut pas avoir seulement une Europe de l’austérité et je crois que là aussi l’Allemagne a bien compris qu’il faut combiner la politique d’austérité avec une politique de croissance.


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